Le don d’organe quand ça concerne son propre enfant

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Il y a des sujets que nous abordons de manière presque instinctive tant cela nous paraît simple. Il y a des évidences qui se forgent en nous comme si cela avait été écrit ainsi. Toutes ces petites simplicités qui finalement, représentent la personne que nous sommes devenus et celle vers laquelle nous tendons.

Aujourd’hui je vous parle du don d’organe. Oui oui, si vous commencez à bien me connaitre, vous savez qu’il y a des sujets qui me tiennent à coeur. Il est vrai que ça n’a jamais été un tabou dans ma famille. Il s’agissait d’ailleurs d’un sujet, sur lequel il était important de nous positionner si quelque chose venait à nous arriver. Et puis mon enfance, me ramène à me dire qu’effectivement, j’ai toujours souhaité être une donneuse d’organe. Pour d’autres personnes de mon entourage, ça n’était pas le cas. Au début je vous avouerai que j’ai été très étonnée de m’apercevoir que d’autres n’avaient pas les mêmes évidences que moi. Et puis, j’ai compris que certaines personnes pouvaient de pas vouloir faire ce don ; et qu’il fallait absolument respecter ce choix.

Il suffit d’une rencontre.

Alors que je me baladais sur un de mes réseaux sociaux ; je suis tombée sur la page de la petite Fanny. Et c’est sans aucune fausse note, que je vous dirais que c’est cette petite personne qui m’a permis de me remettre en question. Donner, je trouvais ça bien. Mais devoir attendre que la mort frappe à notre porte pour pouvoir agir, ne me semblait pas être un don dans son « entièreté ». Bien que je donne mon sang depuis que je suis majeure, cela ne suffisait pas. Je voulais aller au bout de cette ambition qui m’étais propre.

“La jolie Fanny, c’est un petit bout de jeune fille de 10 ans et demi, pour qui sa vilaine leucémie lui fait vivre des jours pas très rigolos depuis octobre 2016. Mais Fanny c’est une battante. Fanny c’est mon sourire de tous les jours. Fanny, c’est la raison qui m’interdit de me plaindre au quotidien. Fanny, c’est mon obligation de sourire à la vie ! Et puis Fanny a attendu 180 jours avant de trouver un greffon. Aujourd’hui, à J+18 de la greffe, elle se bat toujours pour ne pas rejeter ce cadeau de la vie.”
Alors voilà, pendant 180 jours, j’ai suivi Fanny, auprès de sa famille, dans son combat de la vie… en attendant qu’elle trouve son donneur de moelle osseuse. Ce qu’elle fit avec brio il y a quelques mois, tout droit venu d’Amérique.

De son vivant.

Ce greffon {de moelle osseuse}, est un don que l’on fait de notre vivant ! Aussi simple comme bonjour, du moins, je trouve. Vous saviez qu’il n’y avait qu’un seul donneur compatible de moelle osseuse sur 1000 demandeurs !? Vous vous rendez compte du nombre de personne qu’il faudrait pour permettre à toutes celles atteintes de leucémie de pouvoir être sauvées ? Ni une ni deux, après la découverte de sa page, je me suis pré-inscrite sur le site de don de moelle osseuse. Si je pouvais donner, vivante, alors je le ferai. L’idée même que je puisse être la personne qui pouvait lui sauver la vie était une motivation viscérale tant elle m’inonder. J’ai par la suite été contactée par l’hôpital le plus proche de chez moi, pour pouvoir passer la « barrière de sécurité » des médecins.

Mais là n’est pas encore le sujet donc je souhaite vous parler. Oui je sais, l’introduction est d’une longueur déconcertante. Mais il fallait bien que je vous exprime ma démarche personnelle avant de vous embarquer dans un sujet beaucoup moins percuteur. La petite Fanny a été le facteur, qui m’a permis de me remettre en question. Et le fait qu’elle soit une enfant l’a été encore plus. Ce qui me ramène à me poser tout un tas d’autres questions.

Et pour nos enfants alors ?

La question du don d’organe, lorsqu’il s’agit de notre corps est un choix que nous réussissons plus ou moins à faire. Mais un soir, alors que j’étais avec le papa panda, nous nous sommes retrouvé face à cette question ultime ; qui vous trou le cœur tant c’est douloureux. « Et pour le p’tit panda, ça se passera comment ? » Heinquoicomment ? Pour mon fils ? Mais jamais de la vie… Comment puis-je commencer un deuil si mon enfant “continue de vivre dans le corps de quelqu’un d’autre ?” Oui oui, c’est bien la première chose qui m’est venu à l’esprit. Et c’est ce qui d’ailleurs, m’a le plus étonnée.

C’est à ce moment précis qu’avec le papa panda nous nous sommes retrouvés face à un mur. Un mur si grand, qu’on a l’impression que la réponse qui se trouve derrière ne pourra jamais être trouvée {du moins on l’espère} tant il est impossible pour nous de l’escalader… de le franchir.

Et pourtant, si vous saviez à quel point le don d’organe chez les enfants est rare. La mort d’un enfant paraît comme quelque chose d’intolérable et d’inacceptable. C’est souvent décrit comme un scandale qui efface l’avenir qui lui était promis et qu’attendaient ses parents. Je pense qu’à ce moment précis on a envie de tout {ou de rien}, sauf de donner les organes de son enfant qui vient de nous quitter.. sauf qu’il s’agit également, du premier espoir d’une autre famille, qui attend. C’est alors un poids immense qui repose sur nos épaules, un choix crucial, qui pourra changer la vie d’un receveur. Et cette démarche qui n’est pas toujours bien prise par les familles, tant cette question n’a pas été abordée auparavant et qui pourtant, doit être faite quelques heures après le décès de l’enfant. “L’acceptation du don d’organes chez l’enfant est faible, autour de 40% en France”

– si nous acceptons, cela permettra à un autre bébé, enfant ou jeune adolescent de lui sauver la vie. Cette évidence qui m’était propre l’est tout de suite beaucoup moins pour mon fils. Vous saviez que les greffons pédiatriques sont beaucoup plus rares à trouver que pour les adultes ! Et puis, naïvement, on vient à inverser les rôles ; c’est à dire que si c’était mon fils était malade, et qui était en attente de greffe, je supplierai ciel et terre pour qu’un parent prenne la décision de faire ce don de vie. Alors, de ce point de vue là ; il me parait évident de faire ce choix pour notre enfant. Parce que c’est important de donner. Cette chaine de l’amour doit pouvoir aider Autrui.

– Mais si nous refusons, alors nous ne pourrons jamais sauver la vie de qui que ce soit. Et ce choix quelque peu égoïste {mais totalement légitime} ne servira pas. Est-ce que le deuil en sera plus simple ? Si mon enfant est mort… alors pourquoi vivrait-il « mieux » dans le corps d’un autre plutôt que dans celui de mon petit garçon ? Celui de mon fils n’a pas suffit ? L’ai-je mal fabriqué ? Est-ce de ma faute ? Lorsque je suis face à cette question, ce sont les larmes qui inondent mes yeux que je viens même à me demander si j’arriverai à accepter que mon enfant soit mort.. puisque quelque part il continue de vivre. Alors, immédiatement, et pour me préserver essentiellement, je ne pourrais pas faire ce choix.

Mais alors, quoi faire ?

Mon discours n’est absolument pas écrit, pour convaincre qui que ce soit de prendre cette décision si personnelle. Il est présent aujourd’hui, pour vous faire comprendre qu’il est important que cette hypothèse soit abordée en amont; dans la brise d’une conversation discrète; dans les chuchotements d’une discussion intime. Et je sais que ce n’est pas une mince affaire.. que c’est difficile à prendre. Du moins, pour ma part, ça l’est.

On ne vous jugera pas si ce choix ne plait pas à d’autres, mais je sais, au vu des nombreuses lectures et témoignages que j’ai pu lire ou regarder, qu’il est important de savoir cela avant que cette situation arrive. Parce que clairement, le robot que vous seriez en train de devenir à ce moment là ; face à ce chaos qui vous semblera impossible à vaincre, vous n’arriverez pas à prendre cette décision en toute objectivité. Alors parlez en avec votre conjoint, et lorsque votre décision est prise, faite le savoir à votre entourage {que ce soit pour vous, ou vos enfants}. Car il est important que les membres de la famille respectent votre volonté, quelque soit ce choix.

Des bisous fleuris mes chouquettes

22 réponses à “Le don d’organe quand ça concerne son propre enfant”

  1. J’ai ma carte de donneuse d’organe depuis plus de 15 ans dans mon portefeuille, et j’en ai informé mon entourage bien sûr. Je ne m’étais jamais posé la question pour mes enfants… tout d’abord car cela oblige à se poser la question de “et s’il leur arrivait quelque chose?” qui est horrible à se poser en tant que parent…
    Mais c’est vrai que mieux vaut aborder le sujet “avant”, juste “au cas où”… sur le principe, je suis pour le don d’organe de mes enfants, même si bien sûr, j’espère ne jamais jamais y être confronté.
    Mais je ne sais pas si devant le deuil de mes enfants j’arriverai à passer ce cap…

    Cependant je m’interroge : depuis que la loi a évoluée, nous sommes tous donneurs d’organes “par défaut”, sauf à indiquer un souhait inverse en s’inscrivant quelque part. (je suis pour le don d’organe, mais complètement contre cette façon d’aborder le problème… on pourrait faire des campagnes d’informations et de sensibilisation à la place mais bon… ce n’est pas le sujet)
    Du coup est ce qu’on peut s’opposer au don d’organe de ses enfants? Je n’ose pas imaginer qu’une équipe médicale aille à l’encontre de la volonté de la famille, mais a t-on vraiment le choix? Est ce que pour les enfants mineurs, l’avis des parents vaut autorisation ou refus ?

    • Merci pour ta jolie réponse. Tout d’abord, je tenais à te dire, que pour un enfant, s’il souhaite être donneur , il peut avoir sa carte de donneur (qu’importe son âge, si c’est son choix). Cependant, entant que mineur, à son décès il dispose d’une protection légale qui sollicite OBLIGATOIREMENT l’avis des parents quant à savoir si oui ou non ils souhaitent donner les organes de leur enfant. Et pour finir, je suis tout à fait d’accord avec toi pour cette loi. De plus; je trouve que du coup ça fait CULPABILISER ceux qui ne souhaitent pas donner, en étant obligé de s’inscrire sur cette liste de refus. Ayant un proche qui ne souhaite pas être donneur, je l’ai vu se décomposer face à cette loi…
      Des bisous ma choupette !

      • Ah merci pour les infos !!! Ça me rassure, car ce genre de décision (laisser partir son enfant une “deuxième fois” ne peut pas se prendre sous la contrainte ce sera affreux…. même si derrière, et tu as raison de bien le monter, certains parents et enfants attendent une greffe pour vivre à nouveau…) Oui je trouve que le don d’organe est magnifique, mais justement car c’est un “don”… et que le “tous donneurs” aurait pu très bien s’organiser et s’expliquer en faisant des opérations dans les écoles, les lieux de travail, pour inviter les gens à s’inscrire sur la liste des donneurs….

          • Pour répondre à la question du “donneur par défaut” : je suis du milieu médical.
            Depuis des décennies, en France, tout le monde est donneur SAUF si une trace écrite est retrouvée, stipulant le contraire. Dans la pratique, n’importe quelle équipe médicale a la décence et le respect de ne jamais prélever le moindre cheveu sans demande+discussion+accord+de nouveau discussion+accord définitif de la famille. Et plus le patient est jeune, plus le sujet est abordé avec tact et pudeur. Honnêtement, je ne pense pas que cette loi changera grand chose quand à la position des équipes soignantes, parce que c’est inhumain et absolument choquant d’ôter quoique ce soit à un corps sans consentement de sa famille. Et que si c’est fait “à la sauvage”, la conséquence sera seulement de braquer les gens.
            Je pense qu’une fois de plus, les politiques ont fait passer une loi qui se veut bonne dans sa volonté, mais complètement à côté de la plaque dans la réalité du terrain.
            Si ça peut vous rassurer :)

            • Merci beaucoup pour ta lumière !
              Effectivement, j’avais cru comprendre (du moins c’est très bien expliqué sur le site de don d’organe) que ça se passait à peut près comme ça :)

  2. Voilà un sujet bien difficile ne serait-ce qu’à envisager… Que ferions-nous si nous étions concernés? Je ne saurais y apporter une réponse nette et franche mais ton questionnement a le mérite d’exister et de nous faire réfléchir.

  3. Je me suis posée la question mercredi dernier en regardant Grey’s Anatomy (je ne sais pas si tu regardes mais en gros ça parlait du don d’organes chez les bébés). Je n’ai même pas osé en parler avec mon homme tellement l’idée même de penser à la mort de mon enfant me rend fébrile. Cependant je suis moi même donneuse d’organe et de sang et ça me tient à coeur, même si on ne sait jamais comment seront nos réactions en cas de drame de notre enfant, c’est particulier.
    C’est un très bel article (encore). 😘

    • Je ne l’ai pas vu la semaine dernier ! Lorsque j’en ai parlé avec mon homme, je me suis mise à pleurer en sanglot.. je comprends tout à fait ce que tu dis.
      Merci beaucoup <3
      Bisous ma belle ! <3

  4. J’ai moi-même ma carte de donneur d’organes, mes proches sont au courant de ma position à ce sujet. J’ai toujours dit que si mes organes ne sont pas utilisés, ils pourriront sous terre ou seront brûlés, et je suis contre le gâchis inutile ;-) Blague à part, j’avoue ne m’être jamais vraiment posé cette question pour mes enfants, sûrement pour éviter de me confronter au fait qu’il peut leur arriver quelque chose. Mais finalement et étonnement, cela me parait aussi évident que pour moi. Au contraire, cela me rassurerait de le ou la savoir encore un peu en vie quelque part… Mais je comprends que l’on puisse avoir le sentiment inverse !

    Joli article qui fait se poser pleins de questions en tout cas ! Merci pour ça !

    Virginie

    • Merci pour ton joli commentaire ! Ce n’est pas faux vue de ce point de vue (humhum réflexions réflexions)
      Moi non plus je ne m’étais jamais posé la question, jusqu’à ce jour.

  5. En bon samaritain, je voudrai répondre que “bien sûr qu’il faut dire oui à tous les dons!” mais dans la réalité des choses… Mon enfant n’est pas encore né, il m’est déjà tellement difficile de l’imaginer sans vie, comment en plus répondre à une telle question?. Comme tu le dis, c’est hyper important d’en parler avant. Certainement qu’une telle décision ne se prend jamais vraiment avant le fait accompli, mais au moins l’évoquer peut être un bon début.

    Je pense que quelle que soit la décision que prenne les parents, il faut absolument un suivi psychologique ensuite. Outre le traumatisme énorme de perdre un enfant, il faut soit évacuer la culpabilité de “j’aurai pu sauver une vie en disant oui, je ne l’ai pas fait” , soit évacuer le sentiment de “il reste quelque part sur Terre une partie de mon enfant qui vit, je n’arrive pas à faire le deuil”. A mon avis les 2 décisions doivent être accompagnées, mais je crois que pas mal de centre hospitaliers proposent un entretien psycho à propos du don.

    Bel article en tout cas, belle réflexion!

    • Je prépare mon concours d’auxiliaire de puériculture, en ayant comme objectif, de travailler auprès d’enfants atteints de cancer et qui sont en phase terminale. La réa m’intéresse aussi beaucoup. Je vois bien, que dans mes cours, le suivi psychologique est très bien stipulé et j’ai vraiment hâte de commencer mes stages, pour pouvoir avoir une idée de ce que ça donne sur le terrain.
      Merci beaucoup pour tes commentaires en tout cas !!!
      Gros bisous <3

  6. Je vois que ton article fait beaucoup réagir ma jolie et c’est bien normal.
    Au tout début tu parles de don de moelle osseuse, mon père en a eu besoin lors de sa maladie et c’est sa soeur qui lui donné, malheureusement il a fait un rejet…je ne suis pas là pour parler de ça mais juste pour dire que c’est un acte important de faire ce don de soi pour les autres. C’est vrai que ça nous parait évident quand c’est pour notre famille mais beaucoup moins quand c’est pour les autres, sans parler de son propre enfant.

    Parler de ça, revient à penser qu’il peut arriver quelquechose à notre enfant et je crois que la plupart des gens ne veulent pas y penser. La perte d’un enfant est déjà tellement une chose atroce en soi, que d’ensuite leur demander de donner les organes peut s’avérer très difficile. Moi même je ne sais pas comment je réagirais face à une telle situation. Même si la meilleure des choses serait d’accepter, je ne suis pas sure que la raison arrive à reprendre le dessus dans ce moments là et pourtant, que la mort de notre propre enfant ne soit pas vaine, et serve à donne réa vie à un autre est un acte tellement généreux et très fort.

    Je rejoins le commentaire précédent, ce qui est sûr dans tout ça est qu’il faut un suivi psychologique derrière et que le personnel de santé soit formé pour savoir parler aux gens, du moins savoir choisir les bons mots quand on parle de ça avec des parents.

    Je t’embrasse

    • Merci pour ton commentaire ma douce <3 Et bien je suis tout fait d'accord avec toi ! Oh oui, pour sa famille la logique reprend très vite le dessus, tandis que pour les autres c'est un peu plus difficile pour certains.

      Je t'embrasse encore plus fort !

  7. Quel article bouleversant! Je dois avouer que j’ai pleuré… Pleuré en me posant cette question : et s’il lui arrivait quelques choses ?
    Je ne peux même pas m’imaginer partir de ce monde après mes propres enfants. Mais ton article nous donne à réfléchir et à pleurer pour les plus sensibles ! Merci, car la vie c’est ça aussi…

    • Moi aussi je me suis effondrée lorsque j’ne ai parlé avec mon conjoint. Mais nous voulions en parler parce qu’il est vrai qu’on a tous les deux un avis différents, nous concernant.. alors si c’est pour se prendre le chou si cela devait arriver.. des bisous ma jolie <3

  8. Sur le principe, je serai pour le don d’organes mais je pense que je pourrais changer d’avis le jour où j’aurais moi-même des enfants. Vivre la situation est différent de réfléchir à la question sans peur ou angoisse ou tristesse d’une mort.

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