Il n’est pas très loin de minuit, mais l’envie d’écrire me vient spontanément. Je viens de lire le billet de ma copine Noëlline qui nous livre un témoignage émouvant, touchant, puissant & sincère sur son rôle de maman qu’elle se voit flancher & faiblir par le mauvais temps qui court aux yeux de son petit garçon, pendant que sa fille est hospitalisée depuis 6 semaines. Vous pouvez lire son billet ici. Elle nous parle de son fils, celui qu’elle a eu en premier. Celui qui l’a fait devenir mère. Celui qu’elle a désiré, voulu, porté… Celui qu’elle n’oublie pas mais dont elle pense ne plus être considérée comme sa petite maman chérie.
J’ai été cet autre enfant. Ce premier qui est mis de côte, quoi qu’il arrive. Mais pour qui l’amour continue de grandir. Aujourd’hui j’ai 23 ans et cet autre enfant que j’ai été te répond ma jolie.
Au début, je pense que tu ne comprends pas trop ce qu’il se passe. L’enfant qui arrive est normalement une source de bonheur, pour mes parents comme pour moi aussi. J’avais 23 mois quand mon petit frère est né, je n’ai donc pas tellement de souvenir bien concret de cette période. Mais ce n’est absolument pas un tabout dans ma famille. La grossesse de ma maman c’était plutôt très bien passée. C’est à la naissance de mon petit frère qu’ils ont eu le choc. De remarquer que leur petit garçon était atteint d’un pied bot varus équin unilatéral. Je vous en parle un peu ici, parce qu’on a diagnostiqué la même chose pour mon fils. Alors oui, je vous accorde le droit de dire que de nos jours ce n’est plus une malformation qui est lourde dans son traitement, la prise en charge etc… {même si elle nécessite tout de même un long processus de rééducation avec le port de plâtres & d’attelles en tous genres avec dans certains cas une ou plusieurs opérations}. Mais il y a 22 ans ce n’était pas du tout la même chose. Surtout que les échographies n’ont rien révélé de telle en réalité. C’était un choc, une nouvelle inattendue. A vrai dire mes parents ont été jusqu’au tribunal contre la sécurité sociale pour que cette malformation soit reconnue. Mon père travaillait comme un malade pour payer les soins. Ma mère, quant à elle, s’est donnée corps & âmes pour nous gérer tous les deux. De sa naissance à ses 11 mois il était allongé sur une table qui lui faisait faire de la kiné H24. À 11 mois il s’est fait opérer pour la première fois & jusqu’à l’âge de 10 ans il a subit plusieurs opérations, pour se faire casser tout l’intérieur du pied.. bref ce n’est pas le sujet.
J’ai quelques souvenirs de cette période. Comme par exemple, rigoler avec les auxiliaires de puériculture. Jouer avec les enfants atteints de cancer venus faire leurs dialyses. Attendre que mon frère sorte de son opération tout en m’amusant avec une poupée que mon père m’avait offert. Je me souviens aussi effacer le prénom de mon frère sur l’ardoise qui était accrochée sur la porte de sa chambre… juste pour qu’on me remarque.. je savais que ça agaçait le personnel de santé.
À l’époque je me souviens surtout me demander pourquoi je n’étais pas à sa place. Pourquoi moi j’allais bien & pas lui. Mes parents me disent souvent qu’enfant, j’étais très discrète. Que je ne me plaignais jamais. Je n’ai jamais râlé, boudé ni quoi-que-ce-soit d’autre d’ailleurs. J’ai toujours suivi la troupe. Nous déménagions très souvent à cause du travail de mon papa & je n’ai jamais rien dit.
J’ai été cet enfant, celui qu’on doit laisser chez papi & mamie le temps d’un examen. Celui qu’on fait jouer dans les couloirs de l’hôpital. Celui qui ne voit plus tellement son père tant il se tue au travail pour payer les opérations, les soins.. Celui qui fait milles aller & retour entre l’hôpital qui se trouvait à Montpellier & Nice, là où nous habitions, {nous avons par la suite déménagé sur Lyon, puis Nîmes.. mais mon frère était toujours suivi au même endroit}. Cet enfant qui joue juste avec sa maman, parce que son frère ne peut pas tellement bouger.. Alors je ne fais pas l’éloge d’un malheur dont personne n’avait le contrôle. Loin de là. Ma mère m’a choyé d’amour autant qu’elle ne le pouvait. J’étais son sac à dos. Partout où elle allait, je suivais.
Nous avions nos moments .
Même si mon frère était hospitalisé le jour {& parfois nuit}, ma maman n’a jamais oublié de partager des moments rien qu’à nous. De fait, je me souviens que nous partions à la plage, non loin de l’hôpital, ou bien au parc, juste en bas de l’immeuble.. & dès que mon frère se réveillait, une infirmière, une auxiliaire ou que sais-je encore, venait à la fenêtre & utiliser un siffler pour nous avertir. Ce sont ces moments qui font qu’on ne se sent pas abandonné.
Il y a eu un élément déclencheur .
Ca devait sûrement en faire trop, pour la petite fille que j’étais. J’ai dit à ma maman que je voulais me jeter sous un train, parce que j’avais l’impression de gêner. Je devais avoir 10 ou 12 ans {peut-être moins, je ne sais plus..}. Je n’imagine même pas la souffrance qu’elle a dû ressentir, maintenant que je suis mère à mon tour. Depuis ce moment-là, j’ai été suivi pendant de nombreuses années par une psychologue. J’ai détesté ça. Même si pour certains ça aide, ce n’était absolument pas mon cas. Raconter ma vie, faire des dessins.. je n’ai jamais aimé ça. Enfin bref, j’étais fragile & mes parents ont essayé de trouver une solution. Un chien m’aurait fait sûrement plus de bien aha. Je me souviens m’occuper de mon frère, très souvent. J’allais le chercher après le collège, à son école primaire, il était en fauteuil roulant. Un copain qui s’appelait Yanis {qui à l’époque était fou amoureux de moi} venait me donner un coup de main tous les jours. Il portait mon sac, pendant que je poussais mon frère, parfois on inversait, mais bon il était bien trop galant pour me laisser porter tous les cartables. J’avais 12 ans à cette époque. Ce sont ces moments qui font qu’on se sent utile.
J’ai été suivi pendant des années pour phobie scolaire. Je suis tombée sur des maîtres et maîtresses qui me mettaient derrière une porte parce que je leur demandait trop d’attention, moi la petite fille introvertie qui était atteint de dyslexie & de dysorthographie.. je ne disais rien à mes parents.. ils avaient trop à faire avec mon frère. Du moins c’est ce que je pensais. Parce qu’avec le recul j’aurai très bien pu leur dire.. mais dans ma tête d’enfant ça ne se passait pas comme ça..
Qui suis-je aujourd’hui ?
La femme de 23 ans que je suis devenue est très discrète, timide & toujours introvertie. Je ne suis pas très expressive auprès des gens que je ne connais pas & j’ai un bien vilain défaut, celui d’être trop gentille. Je me laisse marcher dessus comme si c’était normal. J’ai l’impression de ne pas savoir prendre de décision seule. Durant l’année 2015 et 2016, j’ai pour la première fois, fait un choix, puis deux, puis trois… après 5 ans de cohabitation chez mes parents, nous avons pris la décision de vivre chez nous, j’ai arrêté mes études qui me bouffaient la vie et nous avons pris la décision de vouloir un enfant. Tu n’imagines pas à quel point je suis fière de moi. Je deviens une femme qui veut son indépendance et qui essaie de l’affirmer, même si ça ne plait pas toujours à certains membres de la famille, qui ne comprennent pas le fait que je veuille aussi rester seule, chez moi, avec mon fils et mon conjoint. “Vivre pour moi” c’est important pour me construire. Parce qu’il est vrai, qu’inconsciemment j’ai toujours était “l’autre”.. et pas “moi, petite fille”. Durant ma jeunesse, je me suis toujours faite juger et parfois même insulter à l’école parce que ma vision des choses n’était pas la leur {je parle d’une époque où ce ne sont plus des enfants qui portent ce jugement, mais des adultes}. Je n’ai jamais rien dit. Je ne dis jamais rien en réalité. C’est mon conjoint qui forge mon caractère. Lui qui intervient pour me défendre. Lui qui dit ce que je pense au fond de moi. Je ne pense presque jamais à moi, ce qui énerve mon chéri plus qu’autre chose. En revanche je suis connue auprès de mes amis pour être une personne très à l’écoute. Je suis un peu la psy du groupe, on vient me parler pour n’importe quel problème parce qu’on sait que je suis d’une oreille impartiale. Ce qui d’ailleurs me joue très facilement défaut, parce qu’à contrario personne n’a jamais vraiment été là pour réparer mes blessures.
Professionnellement, cette aventure a forgé la femme que je suis devenue. J’ai trouvé ma voie.. Je prépare mon concours d’auxiliaire de puériculture & je garde en mémoire mon envie de devenir pompier volontaire. C’est mon rêve de toujours, je n’ai malheureusement jamais osé sauter le pas. Dès que nous partirons de la banlieue parisienne, je m’y attèlerais.
Trouver la force, le temps & l’amour .
Mon fils me donne la force dont j’avais besoin. Celle qui me fallait pour m’écouter, me faire plaisir & m’aimer. Ton fils trouvera son truc, que ce soit enfant; auprès de ses amis, de sa famille ou d’un animal de compagnie. Ou adulte; auprès d’une personne qu’il aime, d’un enfant qu’il verra naitre ou de sa famille. Mais en attendant, laisse son coeur pleurait si il est triste. Laisse le s’exprimer face à sa peine & sa colère. Parce qu’il est en colère ton petit garçon, comme je l’ai été avant lui. Contre lui-même {pourquoi pas lui ?}, contre toi {pourquoi c’est toujours toi qui pars ? Tu m’aimes moins ?}, contre son père {pourquoi est-ce que c’est toujours lui que je vois ?} & oui.. contre sa soeur {c’était mieux sans elle}. Ton coeur de maman est mis à rude épreuve, mais je sais que tu es forte & que tu sauras lui laisser le temps dont il aura besoin. Un seul mot d’ordre, ne jamais cesser de s’aimer.
J’espère avoir guéri tes angoisses.